Les délais dans lesquels l’employeur risque de se retrouver aux prud’hommes ont été réduits par la loi de sécurisation de l’emploi.
Deux ans pour saisir le juge
Demandes liées à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail. – Sauf exceptions (voir ci-après), toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit désormais par 2 ans (c. trav. art. L. 1471-1 ; loi 2013-504 du 14 juin 2013, art. 21, JO du 16). Un salarié qui entend attaquer son employeur en justice a donc 2 ans pour agir, ce délai se décomptant en jours et non en heures (c. civ. art. 2228). Au-delà, le juge rejetterait sa demande.
À noter : Les nouveaux délais de prescription peuvent impacter les délais de conservation des documents liés à la gestion du personnel, mis à part les cas où des délais d’archivage autres sont expressément prévus par les textes.
Auparavant, le délai était de 5 ans.
Point de départ du délai. – Le délai de 2 ans commence à courir à compter du jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit (c. trav. art. L. 1471-1). Cette règle, désormais inscrite dans le code du travail, est une reprise du principe prévu dans le code civil (c. civ. art. 2224). Les règles dégagées par la jurisprudence en la matière pourraient donc rester les mêmes. Par exemple, un salarié licencié pour motif personnel a 2 ans pour contester cette rupture sachant que ce délai aurait pour point de départ la notification de son licenciement (cass. soc. 9 octobre 2012, n° 11-17829, BC V n° 253). Attention, les salariés dont le licenciement a été soumis à une autorisation administrative, ultérieurement annulée, ne relèvent pas de cette hypothèse.
Droits nés avant juillet 2013 : délais à appliquer
Les nouveaux délais de prescription issus de la loi de sécurisation de l’emploi s’appliquent aux situations en cours à la date de promulgation de la loi, à savoir au 17 juin 2013, sans que la durée totale de prescription ne puisse dépasser la durée prévue antérieurement (loi 2013-504 du 14 juin 2013, art. 21-V). Par exemple, si 4 ans se sont déjà écoulés pour une prescription salariale antérieurement quinquennale, le salarié ne pourra plus agir que pendant 1 an et non 3, le délai maximal étant de 5 ans.
Les instances introduites avant le 17 juin 2013 se poursuivent. Elles sont jugées conformément aux anciennes dispositions, y compris en appel et en cassation.
Trois ans pour réclamer du salaire
Trois ans pour agir au lieu de cinq auparavant. – Le délai de 2 ans n’est pas applicable à certaines actions et notamment à celles en paiement ou en répétition du salaire (c. trav. art. L. 1471-1). Un salarié qui réclame des salaires à son employeur a 3 ans pour saisir le juge, contre 5 ans auparavant (c. trav. art. L. 3245-1).
L’employeur qui voudrait récupérer des salaires qu’il aurait indûment versés a aussi 3 ans pour déclencher une action en justice.
Point de départ du délai. – Le délai de 3 ans commence à courir à compter du jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de saisir le juge.
Sa demande peut porter sur les sommes dues au titre des 3 dernières années à compter de ce jour (c. trav. art. L. 3245-1).
À noter : Seul le délai de prescription a changé mais son point de départ est resté le même. Les juges pourraient donc maintenir leur position en la matière.
Ainsi, le point de départ du délai de 3 ans pourrait se situer à la date de remise du bulletin de paie, comme c’était le cas avant la loi de sécurisation de l’emploi (cass. soc. 6 avril 2011, n° 10-30664 D).
Action en paiement alors que le contrat de travail est rompu. – Lorsque le contrat de travail est rompu, l’action en paiement des salaires peut porter sur les sommes dues au titre des 3 années précédant la rupture du contrat (c. trav. art. L. 3245-1).
À noter : Pour certains commentateurs, cette nouvelle disposition est sujette à interprétation. Une des questions posées est de savoir si le salarié a 3 ou 2 ans pour agir en paiement des 3 années de salaire précédant la rupture de son contrat. En tout état de cause, il ne s’agirait pas pour le législateur de maintenir la prescription quinquennale dans un contexte de rupture (avis n° 494, au nom de la commission des lois).
Des prescriptions supérieures à deux ans
Réparation d’un dommage corporel : dix ans. – L’action en réparation d’un dommage corporel causé à l’occasion de l’exécution du contrat de travail reste soumise à la prescription de 10 ans (c. trav. art. L. 1471-1 ; c. civ. art. 2226). Toutefois, l’action en responsabilité se prescrit par 20 ans pour certains préjudices (ex. : agression sexuelle commise contre un mineur).
Discrimination ou harcèlement : cinq ans. Le salarié qui saisit le juge en raison d’une discrimination conserve un délai de 5 ans, pour agir, à compter de la révélation de la discrimination. Ce délai ne peut pas être modifié par un accord entre l’employeur et le salarié (c. trav. art. L. 1134-5 et L. 1471-1). Seule la possibilité d’agir en réparation du préjudice est visée par le délai de 5 ans : les dommages et intérêts répareront l’entier préjudice résultant de la discrimination, quelle que soit sa durée (c. trav. art. L. 1134-5). Enfin, s’agissant d’un harcèlement sexuel ou moral, la prescription de 5 ans applicable antérieurement demeure également inchangée (c. trav. art. L. 1471-1 ; c. civ. art. 2224).
Prescriptions inférieures à deux ans
Des délais inférieurs à 2 ans sont applicables et notamment les suivants.
Recours contre la décision du DIRECCTE sur un PSE. – Pour mémoire, le licenciement d’au moins 10 salariés en 30 jours, dans une entreprise de 50 salariés et plus, nécessite l’élaboration préalable d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Pour ce faire, l’entreprise conclut un accord collectif ou élabore un document unilatéral que le DIRECCTE doit valider ou homologuer (voir RF Social, Revue d’actualité 131, p. 20 ou sur www.rfsocial.com).
Cette décision de l’administration peut être contestée dans un délai de 2 mois. Si l’employeur saisit le juge administratif d’un refus du DIRECCTE, les 2 mois ont pour point de départ la date de notification de la décision de l’administration. Si des salariés contestent un accord de l’administration, les 2 mois courent à compter de la date à laquelle ils ont eu connaissance de la décision du DIRECCTE (c. trav. art. L. 1235-7-1).
Contestation d’un licenciement économique. Une contestation portant sur la régularité ou la validité d’un licenciement économique se prescrit par 12 mois à compter (c. trav. art. L. 1235-7) :
– de la dernière réunion du comité d’entreprise ;
– ou de la notification du licenciement quand le salarié conteste sa régularité ou sa validité.
Attention, la prescription de 12 mois n’est opposable au salarié que si la lettre de licenciement en fait mention.
Autres délais pour contester une rupture. – Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail a 12 mois pour agir :
– en cas de conclusion d’un contrat de sécurisation professionnelle, à compter de son adhésion (c. trav. art. L. 1233-67) ;
– à compter de l’homologation d’une rupture conventionnelle (c. trav. art. L. 1237-14).
Contestation d’un reçu pour solde de tout compte. – Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les 6 mois qui suivent sa signature (c. trav. art. L. 1234-20
Délais de prescription (exemples) | ||
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Actions visées | Délai | Point de départ |
Licenciement économique et plan de sauvegarde de l’emploi : contestation de la décision du DIRECCTE de validation ou d’homologation de l’accord collectif ou du document unilatéral (c. trav. art. L. 1235-7-1). | 2 mois | Action de l’employeur, à compter de la date de notification de la décision du DIRECCTE.
Actions de salariés, à compter de la date à laquelle ils ont eu connaissance de la décision du DIRECCTE. |
Reçu pour solde de tout compte signé par le salarié (c. trav. art. L. 1234-20). | 6 mois | À compter de la signature. |
Licenciement économique : régularité et validité
(c. trav. art. L. 1235-7). |
12 mois | À compter :
– de la dernière réunion du CE ; – ou de la notification du licenciement. |
Rupture du contrat suite à l’adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) (c. trav. art. L. 1233-67). | 12 mois | À compter de l’adhésion au CSP. |
Rupture conventionnelle homologuée (c. trav. art. L. 1237-14). | 12 mois | À compter de l’homologation. |
Sauf exceptions, toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail (ex. : contestation d’un licenciement pour motif personnel) (c. trav. art. L. 1471-1). | 2 ans | À compter du jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. |
Salaire et autres créances salariales : action en paiement et en répétition (c. trav. art. L. 1471-1). | 3 ans | À compter du jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. |
Discrimination (2) (c. trav. art. L. 1134-5 et L. 1471-1). | 5 ans | À compter de la révélation de la discrimination (1). |
Harcèlement moral ou sexuel (2) (c. trav. art. L. 1471-1, L. 1152-1 et L. 1153-1 ; c. civ. art. 2224). | 5 ans | À compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. |
Réparation d’un dommage corporel causé à l’occasion de l’exécution du contrat de travail (c. trav. art. L. 1471-1 ; c. civ. art. 2224 et 2226). | 10 ans | À compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. |
(1) Seule la possibilité d’agir en réparation du préjudice est visée par le délai de 5 ans. Les dommages et intérêts répareront l’entier préjudice résultant de la discrimination, quelle que soit sa durée (c. trav. art. L. 1134-5). (2) Au niveau pénal, les discriminations, le harcèlement sexuel ou moral sont des délits. La victime a 3 ans pour saisir le juge pénal (c. proc. pén. art. 8). |